

LA DERIVE GENETIQUE
HASARD ET EVOLUTION
FREIN OU MOTEUR DE L'EVOLUTION ?

A/ NOTIONS DE GENETIQUE DES POPULATIONS
Pour la clarté de notre étude, nous devons revenir sur quelques definitions essentielles à la compréhension des notions de base de génétique des populations, domaine central de notre sujet.
1 / Définitions du polymorphisme,de la diversité génétique et de la génétique des populations (1)
Les gènes présents au sein des génomes peuvent évoluer, se modifier du fait des forces évolutives (mutations,recombinaisons...).La modification de ces gènes va entraîner l’apparition de plusieurs séquences nucléotidiques très similaires mais avec de petites variations au sein d’une population, les allèles.
Le terme allèle, du grec allelos l’un, l’autre, désigne chacune des différentes formes ou versions possibles d'un même gène relative au même caractère.
Dans une cellule diploïde (2n chromosomes), il y a deux allèles présents pour chaque gène autosomique(chromosomes non sexuels), un allèle transmis par chaque parent (c'est le cas pour la plupart des animaux) . Les allèles transmis par les parents peuvent être identiques ou non. Chaque gène situé sur un autosome est présent en double exemplaire, l'un provenant du père, l'autre de la mère, dans les cellules dites somatiques qui sont diploïdes (c'est-à -dire toutes les cellules à l'exception des cellules reproductrices ou gamètes, spermatozoïdes et ovocytes). Dans les cellules reproductrices ou gamètes qui sont haploïdes, un seul allèle est présent (n chromosomoses, loi de Mendel dite de ségrégation ou pureté des gamètes) puisqu'au cours de la méiose il y a eu séparation des deux allèles portés par les chromosomes homologues.
Si les allèles apportés par chaque parent sont identiques , l'individu est homozygote pour ce gène. S’ils sont différents, l'individu est hétérozygote.
Dans une population, un gène peut donc exister sous plusieurs variantes, le locus et la fonction restant constants. On dit qu'un gène est polyallélique ou polymorphe s’il est représenté par plus de deux allèles, ceux-ci étant reconnus en tant que tels s'ils se retrouvent à plus de 1 % dans une population.
Au sein d'une même espèce, le génome est différent d'un individu à l'autre, c'est le polymorphisme génétique.
La fréquence allélique est la fréquence à laquelle se trouve l'allèle d'un gène dans une population. Habituellement, on l'exprime comme une proportion ou un pourcentage. La somme des fréquences alléliques de tous les allèles d'un gène dans une population est donc par définition égale à 1. En génétique des populations, les fréquences alléliques représentent la diversité génétique au niveau de la population, ou de l'espèce.
La génétique des populations est l'étude de la distribution et des changements de la fréquence des versions d'un gène (allèles) dans les populations d'êtres vivants, sous l'influence des « pressions évolutives » (sélection naturelle, dérive génétique, recombinaisons, mutations, et migration). Les changements de fréquence des allèles sont un aspect majeur de l'évolution
Le polymorphisme génétique est à l'origine d'individus aux caractères phénotypiques différents (appelés morphotypes) au sein d'une même population. C'est un des éléments, intraspécifique, de la diversité génétique qui est considérée comme facilitant l'adaptation des populations à leur environnement plus ou moins changeant (2)(20)
Ainsi l'étude de la variation au cours des générations de la fréquence allèlique est un moyen d'évaluer l'évolution de la diversité génétique d'une espèce .Comme nous le montrerons plus loin ,ces notions sont au cœur de notre sujet.
Si l'on veut savoir comment évolue la diversité génétique d'une espèce donc ces capacités d'adaptation, il semble essentiel de comprendre comment évoluent les fréquences alléliques en son sein.
Deux modèles théoriques permettant de modéliser mathématiquement l'évolution des fréquences allèliques vont apparaître historiquement d'abors celui de Hardy-Weinberg au début du 20ème siècle puis celui de Wright-Fischer. Notre problème est qu'ils semblent s'opposer dans leurs résultats. Lequel sera le plus pertinent pour étudier la notion de dérive génétique ?
2 / Modelisation de Hardy-Weinberg (4)(7)(8)
En 1908 le mathématicien anglais G.H.Hardy trouve simultanément et indépendamment du médecin allemand Weinberg une loi qui décrit l'équilibre des génotypes au sein d'une population .
Leur découverte est une des premières approches mathématiques ,appliquée à la génétique des populations .Elle ouvre la voie à la modelisation mathématique puis informatique .Elle deviendra le modèle théorique central de la génétique des populations.
Wilhelm WEINBERG (1862-1937) Godfrey Harold HARDY (1877-1847)
Cependant comme toute approche théorique la loi dite d'équilibre de Hardy-Weinberg nécéssite pour se vérifier beaucoup de critères qui simplifient fortement la réalité :.
. La population doit être de taille infinie
-
L’espèce dont est issue la population doit être diploïde
-
L’espèce dont est issue la population doit avoir une reproduction sexuée
-
Les croisements entre les individus au sein de la population doivent se faire au hasard (principe de panmixie)
-
Il ne doit pas y avoir de forces évolutives telles que la mutation, la migration ou la sélection en jeu dans cette population
Dans ces conditions, pour un gène possédant deux allèles différents, les allèles A et a, de fréquences respectives p et q, la loi de Hardy-Weinberg postule que les fréquences des génotypes homozygotes AA (individus possédant deux fois la forme A du gène dans leur génome) aa (individus possédant deux fois la forme a du gène dans leur génome) et hétérozygote Aa (individus possédant les deux variants A et a du gène dans leur génome) peuvent être estimées comme suit :à la première génération p + q = 1
-
f(AA) = p²
-
f(Aa) = 2pq
-
f(aa) = q²
-
avec f(AA)+f(Aa)+f(aa)=p²+2pq+q²=1
-
h Tableau de croisement des gamètes
Répartition et fréquences des allèles à la génération suivante (3)
f(A) = p2 + pq = p ( p + q ) = p puisque p + q = 1
f(a) = q2 + pq = q ( p + q ) = q puisque p + q = 1
Les fréquences allèliques restent donc inchangées à la deuxième génération
Dans ces conditions la loi prédit que dans des populations de taille infinie, en l'absence de sélection et de mutation, les fréquences alléliques sont stables au cours des générations (principe d'équilibre de Hardy-Weinberg )
La proportion des différentes allèles étant un marqueur pertinent de la diversité génétique de la population, qui se maintient et doit tendre vers un équilibre stable de la distribution génotypique.(4)(8)
3 / Limites du modèle de Hardy-Weinberg
Nous nous interessons plus particulièrement aux espèces en voie de disparition dont l'habitat est fragmenté et dont les effectifs sont fortement réduits. L'hypothèse d'une population infinie utilisée dans la loi d'équilibre de Hardy-Weinberg
ne correspond donc pas à la réalité. Ce modèle a le mérite d'être le premier à modéliser l'évolution de la diversité génétique. Même s'il reste la base de l'étude de la génétique des populations ,il ne peut donc être applicable aux populations d'effectifs limités
4 / Cas de populations de taille finie (4)
La fécondation est la rencontre de deux gamètes haploïdes(n chromosomes) paternelle et maternelle. Elle va donner naissance à un nouvel individu diploïde (2n chromosomes). La totalité de son génome correspond à la copie d'un allèle paternel et d'un allèle maternel ( cf I.A.1)
Une répartition va s'établir pour chaque gamète lors de la séparation des chromosomes homologues.Il va donc se faire un tirage aléatoire des chromosomes allant dans chaque gamète.En se basant sur ce mode de formation des gamètes, un individu héterozygote ne se reproduisant qu'une fois, ne va transmettre à son descendant qu’un seul des deux allèles de chacun de ses gènes. Pour qu'il puisse transmettre à coup sûr la totalité de ses allèles, il faudrait que son nombre de descendants tend vers l'infini (d'où la condition de taille infinie dans la loi de Hardy-Weinberg, voir ci dessus).
Donc à l’échelle d’une population finie , il semble possible voir probable stastiquement que certains allèles ne soient pas transmis d’une génération à l’autre. Ce phénomène pourrait être amplifié par le fait que certains adultes peuvent dans la réalité ne pas se reproduire.
Les fréquences alléliques d’un gène pourraient donc varier d’une génération à l’autre, certains allèles voyant leur fréquence diminuer ou augmenter au sein de la population. Ces variations ,peuvent -elles aller jusqu’à la disparition de certains allèles ce qui aurait pour conséquence directe la diminution de la diversité génétique de la population ?


