

LA DERIVE GENETIQUE
HASARD ET EVOLUTION
FREIN OU MOTEUR DE L'EVOLUTION ?

B / Une conséquence surprenante de la dérive génétique:La spéciation
1/ Un bottelneck n'entraine pas systématiquement une extinction
Il faut constater malgré la puissance des théories ,des simulations et le nombre d'exemples que plusieurs éléments nous obligent à nuancer ces conclusions :
-tout d'abord tous les exemples trouvés correspondent à de très faibles effectifs isolés qui sont autant de cas particuliers s'affranchissant des migrations et ne correspondant peut être pas à la majorité des espèces menacées
-ensuite il existe également de nombreux exemples d'espèces ayant subit un bottleneck et qui ont reconstitué leurs effectifs .Il existent également de nombreux exemples de populations naturelles à très faible diversité génétique (d'ailleurs probablement issue d'un bottleneck ou effet fondateur ancien) comme le montre le tableau ci-dessous (29):
-Le cas des guépards est caractéristique .C'est une espèce ayant une très faible variété génétique au point qu'il est possible de greffer la peau d'un individu sur un autre sans provoquer de rejet ! Leur hétérozygotie est très faible H=0,013 (voir tableau précédent) .Elle est expliquée par un bottelneck ancien suivie d'une très forte dérive génétique .
Cependant malgré des problèmes de reproduction liés à cette consanguinité ,l'espèce garde des effectifs corrects et semble s'adapter à cette situation .
-L'Eléphant de mer Septentrional est aussi un exemple connu et bien étudié d'une espèce ayant subi un terrible goulet d'étranglement mais qui a réussi à reconstituer ses effectifs tout en subissant les effets d'une dérive génétique . Durant le 19ème siècle ils ont été intensément chassés pour leur graisse . On estime que leur population s'est réduite à quelques dizaines d'individus ( 10 à 30 en 1810 selon Hoelzel et al(31)) survivant dans l'ile méxicaine de guadalupe (classé reserve naturelle en 1920) . Ils ont montré une remarquable capacité à se développer malgré cette quasi-extinction .Ils etaient 100000 en 1994 ,127000 en 2000 ,170000 actuellemement . Ils auraient une croissance de 6% par an.
Pourtant les études sur leur diversité génétique révèlent des résultats inquiétants :
hétérozygotie H=0,8 pour les spécimens pre-bottleneck/ hétérozygotie H=0,41 pour les spécimens post-bottleneck
très peu de variations allèliques sur 29 marqueurs (loci) (voir tableau pécédent).
selon (30) ces résultats impliquent une forte consanguinité donc de grand risque pour l'espèce malgré sa remarquable reproduction .En particulier, les scientifiques craignent une grande fragilité face aux maladies ou à la pollution.
Les études mettent en évidence des modifications anatomiques du crane en particulier de la machoire qui perd sa symétrie par rapport à l'espèce voisine méridionale et au spécimen pré-bottleneck (31)(32)
Force est de constater que pour cette espèce ,la dérive génétique bien que provoquant comme prévu une baisse de la variété génétique ne l'a pas plongée dans une spirale d'extinction . Bien au contraire puisque sans la pression destructrice de l'homme ,elle s'est fortement dévellopée d'une part et plus surprennant elle présente des modifications morphologiques : l'Eléphant de mer Septentrional est en train d'évoluer
Quel scénario possible pour expliquer cela ?
A la suite du bottleneck dramatique qu'ils ont subi, il semble que la chance ait tourné enfin en leur faveur .Ils ont bien sûr subi la dérive génétique comme les études le montrent ,mais ils ont probablement échappé aux autres dangers d'extinction environmentaux aléatoires décrits par Frankham et al (voir A/ 1/) . Or l'extinction ne provient pas que du hasard de la dérive génétique,elle necessite d'autre facteurs aléatoires imprévisibles (dit « stochastique ») .
.L'Elephant de mer Septentrional a évité par chance les épidémies ,les prédateurs, les modifications brutales d'habitat ...ce qui l'a probablement sauvé .Il n'en reste pas moins fragilisé par sa consanguinité mais il a pour l'instant évité tous les dangers...Mais comme toute espèce il évolue .
La dérive génétique en modifiant sa diversité allélique semble responsable d'une forme d'évolution surprenante qui se retrouve au moins sur des éléments morphologiques l'éloignant encore plus de ses cousins méridionnaux et de ces ancètres du 19ème siècle.
La dérive génétique serait elle responsable d'autre chose que l'extinction d'une espèce ,peut elle la faire évoluer au point qu'elle se transforme en une autre espèce ?
2 / effet fondateur et spéciation : l'exemple historique des Pinsons des Galapagos
Les Pincons des Galapagos ont représenté un défi pour Darwin. De nombreuses espèces différentes peuplent les différentes îles des Galapagos(voir fig 3) . Elle présentent une particularité anatomique remarquable: une diversité étonnante de la forme de leur bec. Darwin constata le régime alimentaire de chaque pinsons etait fonction de cette forme si spécifique de leur bec (voir fig3 ).
Fig 3 Les différentes espèces de Pinsons et leur répartition (33)
La selection naturelle seule ne suffisait pas pour expliquer de telle caractères adapatatifs ,l'isolement géographique seul ne suffisait pas non plus. Par contre en combinant séléction naturelle et isolement géographique on peut expliquer la fixation des caractères et les différents becs des pinsons.
Darwin en décrivant l'adaptation des Pinsons des îles Galapagos a mis en évidence le premier cas étudié historiquement de spéciation
En fait comme le supposait Darwin toutes ces espèces de Pinsons avait un ancètre commun
(voir fig 4) . Il a migré il y a 2,3 millions d'années d'Amerique du Sud pour s'installer dans les îles centrales puis par migrations successives d'île en île .
Fig 4 Les pinsons des Galapagos sont tous des descendants d'un ancètre commun (33)
Une toute petite fraction de la population d'origine migre et s'établit sur une nouvelle île .Elle subit se que les scientifiques appellent un effet fondateur qui a des conséquences similaires à un goulet d'étranglement (voir fig 5)
cet effet fondateur a deux conséquences majeures:
-il effectue un échantillonage aléatoire qui baisse la diversité génétique de la population migrante
-il réduit très fortement la taille de la population
fig 5 l'effet fondateur et spéciation (38)
De plus la population se retrouve isolée sur une île avec une très faible fréquence de nouvelles migrations.
Nous avons là tous les éléments qui permettent à une dérive génétique d'agir fortement.Les scientifiques ont découvert que ce cas illustre les résultats évolutifs de l'action de la dérive génétique simultanémént à la selection naturelle .(fig 6)
La sélection naturelle va écarter les allèles trop délétères fixés par dérive ou consanguinité et orienter l'espece vers une adaptation au milieu en l'occurence pour les pinsons c'est la fixation des caractères de la forme du bec.
Peter et Rosemary Grant ont découvert que l'expression des gènes BMP4 et CAM(codant pour les protéine Bmp4 et Cam) est responsable de la diversification , sous l'influence des deux forces évolutives , de la forme des becs.(37)
fig 4 spéciation par effet fondateur (3)
Cette forme de spéciation est appellée spéciation péripatrique ou spéciation par effet fondateur.
C'est un mode de spéciation fréquent dans les archipels.
Des espèces initialement pouvant se reproduire évoluent en espèces distinctes car elles sont isolées géographiquement .
L'effet fondateur permet à un petit nombre d'individus d'évoluer rapidement en marge de l'espèce d'origine .
La Dérive génétique joue un rôle important dans ce mode de spéciation (3)(35) .
Des exemples de ce mode de spéciation faisant intervenir dérive,sélection ,sont nombreux .citons l'exemple des drosophiles des Îles d'Hawai par exemple (33) .
Les Moustiques du métro de Londre sont un autre exemple récent et étonnant qui nous montre que l'évolution agit toujours même dans des environnements très humanisés: Une nouvelle espèce de moustique Culex pipiens molestus est apparue dans le metro londonien. Elle est issue de l'espèce de surface Culex pipiens pipiens . La forme Pipiens pique les oiseaux alors que la forme Molestus du métro pique les mammifères (homme , rat,souris). La forme Molestus proviendrait de quelques spécimens de Pipiens enfermé dans le metro lors de sa construction il y a un siécle. Cette spéciation est du même type que les exemples précédents un effet fondateur et un isolement géographique entrainent les quelques spécimens de Culex Pipiens Pipiens par dérive génétique et selection naturelle vers une spéciation en Culex Pipiens Molestus adaptée au mammifères « peuplant » le métro (36)
CONCLUSION
CcLes conséquences de la dérive génétique après effet fondateur ou bottelneck sont bien différentes dans ces cas de spéciation que dans les exemples d'extinction decris
précédemment . Pour chaque cas, des éléments scientifiques permettent aux chercheurs de trouver des explications :
- isolement et effectif très reduit entrainent par dérive puis consanguinité une baisse importante de la diversité génétique provoquant alors une baisse des capacités d'adaptation .L'espèce devient alors particulièrement sensible à un aléa environmental maladie,modification climatique,pollution...les risques d'extinction sont élevés surtout si l'effectif reste faible (problèmes de reproduction ,mortalité…) . La dérive génétique mène alors à l'extinction donc stoppe définitivement toute évolution
- Isolement et effectif réduit entraine une dérive génétique qui éloigne par fixation allèlique la population isolée de la population d'origine .La selection naturelle intervient en sélectionnant des caractères donnant un avantage adapatatif (bec des pinsons ,comportement alimentaire des moustiques du métro de Londre...) et en écartant les allèles trop délétères. Une spéciation peut apparaître.Dans ce cas la dérive génétique est un moteur éssentiel de la spéciation donc de l'évolution




